Tania Candiani commence sa résidence au CERN dans le cadre du programme pour artistes invités, avec pour objectif de mêler étroitement la narration de la physique quantique et le savoir indigène ancestral.

L'artiste mexicaine Tania Candiani utilise divers outils et procédés pour établir un dialogue par des récits d'association, jonglant avec les correspondances entre technologie, savoir et pensée, en les réorganisant. Elle a reçu une mention honoraire lors de l'édition 2020 du prix Collide, ainsi qu'une invitation à participer au programme pour artistes invités, qui lui permettra, à l’occasion d’un bref séjour au Laboratoire, de se familiariser avec les recherches menées au CERN et avec sa communauté. « Durant ce séjour au CERN, je pourrai enfin découvrir les formes, les sons, les sensations, les univers et les dimensions sur lesquels je m'interroge depuis trois ans », explique Tania.
L’objectif de Tania est de commencer à établir des archives visuelles, audio et manuscrites qui serviront de point de départ pour ses deux projets, Quantum Fictions et Quantum Prelude. Tous deux partent de l'idée qu'il est possible de tisser des liens entre la narration de la physique quantique et les anciennes conceptions indigènes du cosmos.
Au cours d'un entretien avec Arts at CERN, l'artiste explique comment ces deux modes de pensées se chevauchent : « En quête de réponses aux questions fondamentales sur l'histoire plus qu'humaine du cosmos, la recherche en physique des particules a scruté le monde à l'échelle quantique, bouleversant nos connaissances et révélant l'étendue de notre ignorance. [...] Parallèlement, les croyances indigènes offrent depuis toujours une explication à ces questions fondamentales, entre le réel et l'imaginaire, le mesurable et l'incommensurable, le visible et l'invisible. »
Établissant des associations et des parallèles entre les deux mondes, Tania cherche à associer un canon esthétique occidental, qui privilégie l'intuition et la connaissance métaphysique, aux traditions orales indigènes selon lesquelles le savoir et l'histoire sont encodées dans le corps et les rituels.
Pendant son séjour au Laboratoire, l'artiste visitera et filmera plusieurs détecteurs du Grand collisionneur de hadrons (LHC), notamment ALICE, CMS et ATLAS, ainsi que les tunnels du projet LHC à haute luminosité. Elle consultera également les archives du Centre de calcul et examinera les équipements et éléments d'anciennes expériences mis au rebut.
L'un des éléments clés des résidences est la possibilité de discuter avec des physiciens, des ingénieurs et d'autres membres du personnel du Laboratoire travaillant dans différents champs du vaste programme scientifique du CERN, comme l'antimatière, la gravité quantique ou les détecteurs de particules. Pendant ses échanges avec la communauté scientifique, Tania espère pouvoir tester des paradigmes et des procédés lui permettant d’exprimer ce qui est invisible ou inaudible. Elle estime que l'existence même d'une matière expressive - des particules éloquentes, émotionnelles, chargées - est d'une grande profondeur et profondément symbolique. Elle s'efforcera donc d'avoir des conversations puisant dans l'imaginaire perceptif dans lequel il est permis de s'étonner des possibilités d'interprétation.
Grâce au soutien de la Fondation Didier et Martine Primat et de son fonds spécial Odonata, Tania Candiani créera une œuvre inspirée par sa recherche et son expérience au Laboratoire. Le partenariat et programme de bourses qui existe depuis plusieurs années entre Arts at CERN et la Fondation Didier et Martine Primat encourage les interactions créatives entre les arts, les sciences et la nature, et a donné lieu à des commandes artistiques par le photographe irlandais Richard Mosse, et l'artiste allemande Mariele Neudecker.
Quantum Prelude, œuvre sonore de Tania Candiani, qui fait partie de sa commande artistique, propose une connexion entre le LHC du CERN et l'espace d'exposition du Musée universitaire d'art contemporain (MUAC) à Mexico. Selon l'artiste, le mouvement des particules subatomiques produit une « chorégraphie sonore » qui pourrait être visualisée sous la forme d'une partition musicale intégrant instruments acoustiques et voix. Tania Candiani présentera cette œuvre, avec la collaboration du musicien Rogelio Sosa et d'autres artistes de Mexico, lors de son exposition solo, qui se tiendra au MUAC, en 2023.
Ana Prendes, responsable communication et contenu à Arts at CERN